Inventé en 1962 à Berlin, le Döner-Kebab est devenu un incontournable de la gastronomie allemande et même mondiale. Ce symbole de l’immigration est aussi connu que peu étudié. Une excellente occasion de répondre à la question cruciale : combien de Kebabs mange-t-on à Berlin par jour ? La réponse est sans appel : 162 000. Pour arriver à ce chiffre, une réflexion en six étapes (qui doute me lise…).
Article paru en 2022 en allemand dans la Berliner Zeitung, par Adrian Garcia-Landa. Illustrations par Roshanak Amini.
1. Combien de stands de kebabs y a-t-il à Berlin ?
Pour connaître le nombre de stands vendant des Döners à Berlin, il faut prendre des chemins détournés, les chiffres officiels n’étant pas d’une grande aide : la seule catégorie statistique existante est celle des “entreprises gastronomiques”, qui regroupe tout ce qui sert des aliments comestibles, des restaurants de luxe, des snacks, des cafés, des bars et des salons de thé.
Nous nous sommes donc rendus à l’association des producteurs de viande de kebab ATDID e.V., dont le siège se trouve sur les Champs-Elysées Berlinois, le Kurfürstendamm. Ses représentants n’ont pas hésité une seconde et étaient formels : il y a environ 1600 stands de kebabs à Berlin. Admettons.
Cependant, éthique journalistique oblige, la vérification auprès de certains fabricants de viande de kebab, qu’ils appartiennent ou non à l’association ATDID, révèle des chiffres nettement plus élevés – ils supposent plutôt 3000 stands dans la capitale allemande. Le calcul est simple : leurs entreprises livrent chacune aux alentours de 100 stands par jour, avec 30 fabricants à Berlin, cela fait 3000 stands. Les commerciaux, qui surveillent en permanence le paysage des stands, rue par rue, donnent un poids supplémentaire à cette opinion.
Un fin connaisseur du marché allemand du kebab est pourtant plus prudent : Ibrahim Ferah, co-éditeur de la bible du secteur du kebab “Dönerci”. La revue spécialisée, fondée il y a 18 ans, publie principalement en turc, est le livre de chevet des industriels. Ferah estime que 2500 snacks à Berlin sont plus réalistes, surtout après le confinement dû au Corona.
Ibrahim Ferah sait que la recherche sur le kebab est tout sauf une science exacte. Interrogé sur le nombre de points de vente de kebabs dans toute l’Allemagne, il cite une fourchette de 18 500 à 40 000 environ. Pour répondre à notre question principale “Combien de kebabs mange-t-on chaque jour à Berlin ?”, nous retiendrons sans hésiter le chiffre de 2500 snacks cité par Fehra.

2. Combien de kebabs produit un stand ? Analyse du stand le plus célèbre de Berlin
Le destin des stands de kebabs va des hauteurs florissantes ou les profits, comme les diverses sauces, coulent à flots pour atteindre les bas-fonds secs et arides, au client et à la plus-value rares. En haut de l’échelle, nous examinons à la loupe le stand de kebabs sans doute le plus connu de Berlin : Mustafa’s Gemüse Kebap – comprendre le Kebab aux légumes de Mustafa – sur l’avenue Mehringdamm, une grande avenue en plein Kreuzberg.
Est-ce le stand qui connaît le plus de succès ? C’est en tout cas celui qui figure dans tous les guides touristiques, qui jouit de plus de 14 000 d’avis positifs sur Google, devant lequel il y a toujours une file d’attente d’une centaine de clients, qu’il pleuve, vente, neige ou fasse chaud, prêts à attendre 45 minutes ou plus pour avoir un simple kebab. Le stand est situé juste à côté d’un hôtel des impôts, probablement pour économiser du temps de trajet au vu du montant impressionnant des bénéfices – et des impôts à payer. Le gérant de Mustafa, dont le prénom est Tarik, nous a donné généreusement un aperçu de ses chiffres impressionnants.

Ce petit stand est en fait une entreprise prospère qui emploie 15 personnes. Un mécanisme parfaitement conçu et huilé assurant un flux continu de kebabs, 24 heures sur 24. La machine démarre à sept heures du matin avec trois personnes dédiées à la découpe de légumes : avec environ 192 kilos par jour, répartis en 16 espèces, ils ont des légumes sur la planche, voir le graphique ci-dessus. Dès 10 heures, ils approvisionnent le stand en légumes coupés, que deux ou trois vendeurs incorporent dans les kebabs. Après les tranches de deux équipes, travaillant de 10 à 18 heures et de 18 à 2 heures du matin, le stand ferme sa porte et ses volets. C’est alors qu tour de deux nettoyeurs d’intervenir qui briqueront le stand jusqu’à cinq heures du matin.
Au petit matin, alors que les brumes nocturnes cèdent la place aux premières lueurs, deux immenses tourniquets de kebab congelés pesant 50 kilos sont livrés et placés dans les grils. Dès sept heures, le découpage de légumes recommence, le cycle sans fin du kebab se poursuit.
Les chiffres datant de l’époque du Corona se résument à environ 500 kebabs vendus par jour. Avec un prix unitaire de 3,50 euros, cela représente 54.000 euros de recettes brutes par mois, ou 648.000 euros par an. C’est une estimation très prudente qui ne tient pas compte des boissons. Et le premier été post-Corona est arrivé. Conclusion : il est peu probable que les chiffres diminuent, au contraire.
Cependant : un succès de cette nature reste une exception. Le gros des stands, le bas de la pyramide, est peuplé d’une myriades d’établissements, loin des meilleurs emplacements, qui vendent bien moins de 100 kebabs par jour. Ils se rangent dans une grande cohorte d’exploitants de snacks avec de longues heures de travail et pas assez de rentrées pour embaucher du personnel, obligés de recourir à une main d’oeuvre souvent issue de la famille, et souvent payée au noir. Ce sont eux que Yunus Ulusoy, directeur de programme au Centre d’études turques de l’université de Duisburg-Essen, a étudié pendant des années.
Jusqu’en 2012, il travaillait sur le secteur du kebab, à l’époque il n’y avait pas de chiffres officiels, encore moins valides. Aujourd’hui, il étudie l’activité économique des personnes d’origine turque en Allemagne. La gastronomie est un marché important pour eux, mais Ulusoy observe un changement : les gérants de snacks sont devenus, au fil des générations, des entrepreurs de la gastronomie qui ne se limitent plus à la cuisine turque. Un véritable changement d’époque pour le kebab.

3. D’ou vient le plus important, le cône de viande ?
Le cœur battant d’un stand de kebab est bien sûr sa broche tournante, sur laquelle sont amoncelées des tranches de viande. Aux débuts du döner et jusque dans les années 70 et 80, les stands fabriquaient eux-mêmes les broches. Puis, dans les années 90, des entreprises spécialisées ont vu le jour. Aujourd’hui, les snacks qui fabriquent eux-mêmes leurs broches sont l’exception. Pour simplifier, la production d’un cône de viande kebab se déroule comme suit : la viande (d’agneau, de bœuf et de veau, mais aussi de dinde ou de poulet) est livrée par des bouchers industriels aux fabricants de broches. La viande provient majoritairement des pays de l’UE, principalement des Pays-Bas (voir le graphique). La viande est découpée et marinée dans des épices, empilée couche par couche autour d’une broche (pour les morceaux de viande) ou pressée et agglutinée (pour les broches de viande hachée).
Pour finir, le cône est enveloppé dans un film plastique et congelé, ce qui rend le transport plus facile. Les stands sont livrés avec les cônes surgelés, leur taille varie de 20 à 100 kilos. Les producteurs de viande à kebab sont également des entreprises de logistique et donc sensibles aux fluctuations des prix de l’essence. Eux aussi sont obligés de réfléchir à des ajustements de prix.
Combien de temps les prix de vente actuels de la viande de kebab, qui vont de 5,80 à 12 euros le kilo, pourront ils être maintenus ? Voir l’encadré “Le crépuscule du kebab” en bas à droite. Pour donner un ordre d’idées, un kilo suffit pour quatre à cinq kebabs.
Les quantités de viande de kebab produites
Sur les 115 à 150 tonnes de viande de kebab produits chaque jour à Berlin, seul un quart reste dans la ville, soit 32 à 41 tonnes. Car la viande de kebab est un succès à l’exportation, le savoir-faire germano-turc est très prisé. La production destinée à l’extérieur, entre 82 et 110 tonnes, est pour moitié expédiée à l’étranger. Dans l’UE surtout, mais aussi vers le Qatar et l’Arabie saoudite, qui apprécient le kebab made in Berlin. L’autre moitié est livrée en Allemagne. Il existe 600 fabricants de viande de kebab dans toute l’Europe, selon Ibrahim Ferah du journal spécialisé “Dönerci”. Le gros, 400, est situé en Allemagne, et produit entre 500 et 600 tonnes par jour. Cela équivaut à environ 143 000 tonnes par an, valant grosso modo 1,3 milliards d’euros. Cependant, l’estimation du volume que représente la production de la viande de kebab est une entreprise aussi délicate qui difficile, voir la partie 6.

Berlin : la forteresse imprenable du kebab
Berlin est donc responsable de 16 à 20 pour cent de la production de viande de kebab en Allemagne. Même si Berlin n’est plus la capitale du kebab, comme elle l’a longtemps été, elle a une raison d’être fière : le marché du kebab y est tellement concurrentiel que les entreprises extérieures ne tentent pas d’y prendre pied. Nous vivons dans une forteresse imprenable, défendue farouchement par 30 fabricants de viande de kebab, dont 23 sont membres de l’association ATDID. Bien que le “berceau du kebab” ait longtemps été le premier producteur : les véritables géants du kebab se trouvent aujourd’hui dans l’ouest et le sud de l’Allemagne. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en particulier, pourrait avoir pris le pas sur Berlin.
Certains producteurs se sont installés en Pologne, une tendance qui a commencé dans les années 90. Près de Wroclaw se trouve la plus grande usine de kebabs du monde, avec une surface de production de 23 000 mètres carrés. Cela représente trois terrains de football.
Un dernier mot sur les épices, ingrédient crucial : les snacks insistent souvent sur les assaisonnements exclusifs de leurs cônes, car ils caractérisent le goût de leurs kebabs. Aujourd’hui, la plupart des fabricants de viande de kebab font appel à des mélangeurs d’épices spécialisés. Parmi les onze fournisseurs, une poignée d’entreprises allemandes parviennent à s’imposer dans un secteur dominé par les turcs d’origine. Nicht schlecht !
ENCADRÉ 1 – DÖNER DELUXE : L’HÔTEL ADLON ET MONACO MONTRENT LA VOIE

Le kebab est un plat pour pauvres selon le sociologue Eberhard Seidel. Il a consacré un livre entier au sandwich binational : “Döner. Eine deutsch-türkische Kulturgeschichte”, en francais „Le Döner. Une histoire culturelle germano-turque“ (paru aux éditions März). À l’hôtel Adlon, le plus prestigieux de la capitale, on voit les choses tout autrement. Le sandwich prétendument prolétaire y coûte 27 euros.
Au Beefbar de Monaco, un restaurant spécialisé en viandes haut de gamme avec des filiales à Dubaï, Londres, Paris et d’autres lieux jet-set, on peut obtenir un “petit kebab” pour seulement 25 euros. Ce n’est qu’une entrée et non un repas complet, donc contraire à l’idée même du kebab. Les viandes utilisées sont le steak argentin Angus et le bœuf japonais Kobe, le plus cher au monde, pouvant atteindre 1000 euros le kilo.
Le gérant du Beefbar, Riccardo Giraudi, explique les raisons pour lesquelles il propose un kebab avec les viandes les plus chères : “J’importe de la viande de luxe et j’aime les contrastes”. Après tout, toutes les entrées de son restaurant sont inspirées par la street food, dit-il, ajoutant malicieusement : “C’est très décadent !” Décadent, mais aussi cohérent : pour préparer la viande comme il se doit pour un kebab, Giraudi a fait fabriquer des grils à kebab miniatures de seulement 25 centimètres de haut. L’entrepreneur monégasque ne prévoit pas pour l’instant d’ouvrir une filiale de son Beefbar à Berlin. Berlin est-elle trop pauvre pour le kebab de Kobe ou le Beefbar n’ose-t-il pas (encore) le faire ?

4. Pourquoi n’y a-t-il pas de chaînes de kebabs ?
L’homme d’affaires Ercan Altun soupire à cette question. En tant qu’expert du secteur alimentaire, ce consultant a travaillé pendant des années pour des producteurs de viande. Altun était conseiller stratégique, il appelle cela en plaisantant un responsable grands comptes “ethnico-compatible“. Il chante les louanges du kebab : c’est un “méga-produit” et un “marché de plusieurs milliards”, avec “un potentiel incroyable”. Malheureusement, il reste encore trop entre les mains de familles, qui n’ont pas le savoir-faire pour créer des marques et souvent des structures de gestion pas assez professionnelles.

Avec le “Green Kebab”, Ercan Altun s’est engouffré dans cette brèche. Il s’agit d’un concept de franchise qui s’adresse aux stands de kebabs dans les points de vente de la grande distribution, mettant l’accent sur la qualité, un look unifié et des ingrédients durables contrôlés. Jusqu’à présent, le concept a été vendu 130 fois, mais en raison de la pandémie, il n’est actuellement exploité que sur 70 sites. Le “Green Kebab” est ce qui se rapproche le plus d’une chaîne de kebabs.
Altun, qui aura réussi à introduire la vente de kebabs dans le stade du Borussia Dortmund, estime que le kebab “se vend trop bon marché”. Il cite quelques exemples d’amélioration de l’image du sandwich. A Berlin, il y a par exemple le “Kebab with Attitude”. Ce troquet du quartier chic de Mitte est à des années lumières d’un stand à kebab classique. C’est un temple de hipsters : des menus bien conçus, des plats déclinés de manière modulaire, des prix à partir de 9 euros.
Le kebab peut-il se débarrasser de son image populaire ? Altun en est convaincu, l’exemple de Berlin n’est pour lui qu’un début. Il mentionne le Beefbar à Monaco – ce restaurant de viandes d’excellence propose des mini-kebabs hors de prix en entrée, voir l’encadré „Döner deluxe“. Mais en Allemagne on est encore très loin d’une telle approche, estime t-il.
Altun cite des collègues pour donner un aperçu de la rentabilité du secteur du kebab. Pour les fabricants de viande, elle se situe entre trois et cinq pour cent, les snacks bien gérés atteignent 15 à 20 pour cent. A titre de comparaison, la rentabilité du chiffre d’affaires des PME allemandes est en moyenne de 7,3 pour cent.
Toutefois, ils laissent entendre du bout des lèvres qu’il pourrait parfois y avoir deux comptabilités dans l’industrie alimentaire et de la restauration (comme dans d’autres secteurs). L’officielle et l’interne pour ainsi dire.
5. Le pape allemand du kebab
Ou comment la distribution classique s’est mise au döner.

Le kebab et l’Allemagne sont parfois deux univers qui coexistent, qui entrent en contact qu’occasionnellement, mais qui gagneraient à le faire davantage. C’est ce que montre un exemple singulier dans l’ouest de l’Allemagne, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Depuis 1952, un supermarché Rewe y était géré par la famille Haase dans la ville de Hamm. En 2016, le petit-fils de la fondatrice, Benjamin, tente une expérience radicale : il introduit un stand de kebab dans son supermarché. Le résultat a été sensationnel. Le stand attirait 150 à 200 clients supplémentaires par jour, et Haase atteignait un chiffre d’affaires annuel de 300 000 euros avec ses kebabs. Il en vendait 250 à 350 par jour, à des artisans, des employés et autres clients de son magasin.
Haase se souvient avec un plaisir particulier d’une cliente de longue date, âgée de 80 ans, qui lui a demandé un jour : “Pouvez-vous me faire un kebab, je n’en ai jamais mangé !”. La dame a trouvé le mélange de légumes, de viande et de pain “vraiment délicieux”. En raison de son succès, ses collègues lui ont donné le titre de pape du kebab.
L’expérience a été répétée dans d’autres supermarchés de la région. A-t-elle eu autant de succès que la sienne ? “Tout dépend du personnel”, répond discrètement Haase. En 2019, il a vendu son marché de Hamm. L’ex-employé, qui travaillait comme vendeur de kebabs dans le Rewe de Haase, s’est mis à son compte et exploite désormais le stand pour son propre compte. Il a été le premier franchisé de Green Kebab.
Haase s’est installé sur la Baltique avec deux nouveaux supermarchés. Il ne propose pas de kebab, il “ne sait pas comment cela sera perçu dans le nord”. Mais les plats chauds, oui : l’expérience lui a montré l’importance de repas pour la croissance des supermarchés. Hélas, le miracle du kebab de Hamm ne s’est pas encore reproduit.
ENCADRÉ 2 – LE CRÉPUSCULE DU KEBAB : COÛTERA-T-IL BIENTÔT 8 EUROS ?
La hausse des prix affecte également le secteur du kebab : électricité, gaz, viande, légumes, emballages, tout ou presque devient plus cher. “Depuis décembre, le prix de la viande a augmenté chaque semaine”, gémit un fabricant de viande de kebab bien établi, les prix des légumes ont doublé. Les kebabs à 3,50 ou 4 euros “ne sont plus rentables”, ils devraient bientôt coûter sept ou huit euros. Il en a tiré des conséquences dramatiques et a augmenté ses prix de 70 pour cent. Il a ainsi perdu un tiers de ses clients. Mais “celui qui ne s’adapte pas sera balayé”, conclut-il sombrement. Un collègue, dans le métier depuis le début des années 90, abonde dans son sens : “Les temps sont difficiles en ce moment”. Il ne veut pas penser aux années de boom avant et après 2000. Actuellement, il constate des augmentations de prix d’au moins 20 pour cent, de la viande aux transparents. Mais il ne veut pas encore augmenter ses prix, car ses clients ne suivraient pas et lui feraient faux bond, c’est du moins ce qu’il craint. Des kebabs autour de huit euros sont pour lui une vision d’horreur, avec des conséquences désastreuses pour le secteur. La consommation de kebabs s’effondrerait.
6. La grande question : combien de kebabs mange-t-on à Berlin par jour ?
Pour répondre à cette question d’une très grande importance, nous avons étudié trois variables cruciales : le nombre de stands de kebabs, la quantité de viande de kebab livrée à Berlin et le nombre de portions de kebab par kilogramme de viande de kebab. Ces trois paramètres nous permettront de répondre à la grande question avec une précision diabolique.
Explication du tableau : à droite, les valeurs pour mémoire, dans trois scénarios différents. Ainsi, il est possible de circonscrire avec une très grande précision, proche de la certitude, que la quantité de kebabs vendus chaque jour à Berlin oscille entre 128.000 et 205.000. La vérité sur la consommation de kebabs se situera quelque part entre ces deux extrêmes.

Comme nous voulions au départ suivre l’estimation d’Ibrahim Ferah et que, par nature, nous préférons choisir le milieu plutôt que deux extrêmes, à la recherche d’un consensus aussi mou et tiède qu’un kebab, nous affirmons, après un examen approfondi des chiffres, des méthodes et des hypothèses, une pléthore de triangulations, des plausibilisations à profusion et des validations par wagons entiers : on mange 162 000 kebabs par jour à Berlin. Que quelqu’un prouve le contraire.
Blague à part : le but de notre question de départ était de donner un aperçu de l’industrie du kebab, dont nous ne percevons généralement que la pointe, le kebab lui-même, le produit, le sandwich du migrant. Le secteur représente un volume annuel de 2,5 milliards d’euros dans toute l’Allemagne, selon l’association ATDID. Comme nous l’avons déjà vu, l’ATDID a tendance à faire des estimations à la baisse, il s’agit de la partie inférieure d’une fourchette difficile à discerner. L’extrémité supérieure de cette fourchette pourrait même atteindre 5,5 milliards d’euros, selon des employés du fisc ouest-allemand très pointilleux. Quatre milliards d’euros se situent au milieu, c’est pourquoi nous partons de ce volume sectoriel. Pas mal pour un sandwich.
La quadrature du kebab
Pour cette recherche, une vingtaine d’entretiens qualitatifs ont été menés avec différents acteurs : associations (2), revues spécialisées (1), fabricants de viande de kebab (6), gérants de snacks et de locaux (5), fabricants d’épices (2), conseillers d’entreprise (1), services fiscaux (1), certificateurs d’installations de production alimentaire (1). Toutes les enquêtes disponibles ont été consultées : sur les produits alimentaires et le commerce de détail, par l’association de la viande, l’association des épices et les offices statistiques des Länder.